Pourquoi et comment faire l'école du dehors ?

Compte rendu de la table-ronde du 24 octobre 2021

(Journée d'automne sur LA PLACE DE LA NATURE DANS L'EDUCATION)

Merci à Clémence Charvolin pour sa prise de note

 

Présentation des intervenants :

  • Nina Kleinsz, docteur en psychologie cognitive du développement, enseignante universitaire pendant plus de 10 ans, et co-fondatrice de l'association "Les voies de la forêt" (création d'une école en forêt dans les Monts du lyonnais, formations pour enseignants et ateliers en forêt)
  • Frédéric Sergent, directeur du GRAINE Bourgogne Franche-Comté (Réseau régional d'éducation à l'environnement), qui accompagne de nombreuses classes dans des projets d'école du dehors
  • Elise Sergent, enseignante Éducation Nationale en élémentaire (CM1-CM2), qui pratique l'école du dehors depuis plusieurs années et partagera sa très riche expérience, dont vous pouvez voir un aperçu dans le documentaire Éduquer et enseigner dehors.

 

1/ Nina Kleinz

 

Remerciements. C'est l'an dernier que l'aventure a démarré pour leur projet d'école dans la forêt.

 

A/ L'école du dehors... c'est quoi ?

 

C'est sortir avec sa classe, son groupe, que ce soit 45min/semaine ou toute la journée, toute la semaine. L'important est la REGULARITE.

 

La 1ère école de le forêt : en 1952 au Danemark . Et puis longue liste d'attente...

En 1962 : 10 écoles au Danemark.

Aujourd'hui : 700 écoles de la forêt (soit 20% des écoles du pays)

En Allemagne 2000 écoles.

Cela existe aussi en Pologne, Espagne, Royaume Uni, Australie, Canada, USA etc...

 

En France : il y en a quelques unes (RPPN Réseau français de Pédagogie par la Nature)

> site internet avec carte interactive.

 

Mais dans les consignes de l'éducation nationale, après le 1er confinement, il était écrit « l'organisation de la classe à l'air libre est une possibilité encouragée ».

 

(mais Vigipirate en nov 20 > ne pas sortir avec sa classe)

 

Ressource Education Nationale : Plateforme « Archiclasse » rubrique « enseigner dehors »

 

Quelques personnes sensibles à la question :

 

Chrystele Ferjou : conseillère pédagogique

Yvette Lathuilière Conseillère Pédagogique Lyon et Rhône

Mme Vieira Conseillère Pédagogique à St Chamond

 

 

B/ Pourquoi enseigner dehors ?

 

Site internet CANOPE  « Et si on sortait ? » : video de 2min pour résumer les arguments

 

3 catégories de bénéfices :

 

- Santé

- Apprentissage

- Développement durable

 

Santé physique : système immunitaire amélioré, mouvement > moins de diabète, d'asthme, de myopie, d'obésité, d'allergie.

Développement moteur : courir en forêt, c'est être attentif, monter les genoux, adapter ses déplacements...

 

Santé mentale :

Développement cognitif : meilleure attention, meilleure mémoire, meilleures fonctions exécutives, avec transfert des bénéfices au retour en classe.

Amélioration du vocabulaire (on se questionne)

Comportement en classe : meilleure concentration en classe

 

Santé émotionnelle : le stress est réduit.

 

Les bénéfices sont observés dès 10 min/jour dans la nature !

 

Apprentissages : les résultats scolaires s'améliorent : meilleures compétences en langue, maths, sciences. Le contexte est plus calme, propice aux apprentissages. La situation d'apprentissage a plus de sens : on se pose des questions en fonctions du contexte donc plus de motivation et d'engagement.

 

Compétences sociales :

La coopération et la communication vont se développer dans le groupe.

 

 

Développement durable :

Idée que les humains se sentent comme faisant partie de la nature (et pas divisé)

S'il y a du lien émotionnel positif avec la nature, on aura un élan naturel et intrinsèque de protection de la nature

 

Pour les enseignants il y a plus de plaisir à enseigner, ils sont fiers, se sentent plus libres, et leur posture se modifie.

 

 

C/ Focus

 

La posture de l'enseignant : Elle est différente de celle qu'on voit habituellement.

 

7 points clés (RPPN) « la PPN en 7 points clés »

        Enfants au cœur des pratiques.

        Prise de risque mesurée : laisser l'enfant expérimenter. Il sera fier d'avoir fait cela, ce qui va booster sa confiance en soi.

        Le processus : est plus important que le résultat. Les éléments naturels sont, ils existent et n'ont pas d'objectif.

        L'adulte est là pour poser un cadre rassurant, il est... il doit être modèle de curiosité, mais pas « enseignant ».

 

Le JEU LIBRE = apprentissage autonome

Moments auto initiés et auto régulés.

Il faut un lieu riche.

 

On a besoin de temps pour ça, les enfants ont besoin de sentir ce qu'ils veulent faire, de se connecter à leurs besoins, s'investir dans un jeu, puis le terminer. Besoin de 45 minutes minimum, mais si le lieu est familier, les règles associées sont connues, on gagne du temps et ils s'investissent plus rapidement.

 

 

 

 

 

2/ Frédéric Sergent

 

GRAINE : groupe accompagnement environnement

 

Objectif : mettre en lien, créer du collectif, faire émerger des projets.

Franche Comté.

 

Constat : Aujourd'hui nombreux soucis de santé : obésité, hypertension, diabète... dus au contexte : sédentarité, pollution, malbouffe...

 

On peut prendre un regard plus global : tous les problèmes cités ne sont pas spécifiques et ne nécessitent pas une seule solution, mais peuvent être reliés par le « syndrome de manque de nature »

 

Richard Louv a développé cette théorie (avec une liste de symptômes).

 

 

3 freins :

 

1/ Les peurs parentales : les enfants ne se déplacent plus ou presque, en autonomie librement

En 1919 on laissait un enfant faire un cercle de 10 km autour de chez lui

En 1950 :  1,5 km

En 1979 : 800 m

En 2007 : moins de 300 m

 

Développement de l'automobile...

 

2/ Accès à la nature très difficile :

Même si on revient, depuis peu, petit à petit à la « débitumisation » des cours d'école.

 

Les enseignants n'emmènent plus les enfants dehors, on leur explique les choses en classe.

Les enfants connaissent la « nature » du bout du monde par les livres, mais ne sont plus connectés à la nature de proximité, celle qui est là, sur le chemin de l'école.

 

Etude avec photos aériennes : plus il y a d'arbres autour des écoles, meilleurs sont les résultats.

Etude dans un hôpital : durée des séjours dans les chambres donnant sur la nature, moins longues

Etude dans la rue « je perds mon gant » qui me le dit ? Puis idem dans un parc : qui me le dit ? (la proportion de personnes qui signalent la perte du gant est plus importante dans un parc que dans la rue... Notion d'empathie, d'attention. )

 

3/ Nouvelles technologies

 

Moyenne actuelle : 6 écrans/famille

 

Moins de 2 ans :

78% regardent la télé chaque jour

12% jouent avec des tablettes chaque jour

25% ne se promènent jamais avec leurs parents

 

 

Démarche du GRAINE

Toujours le même lieu, par tous les temps, proche de l'établissement, au moins une fois par mois, avec une partie d'exploration libre, avec des adultes qui ont la posture d'accompagnant (pas de parents stressés autour) et avec une capitalisation des connaissances pour réinvestir en classe.

 

 

En 2018, première expérimentation sur 4 classes.

2021 : 21  classes

 

PARDI : pôle « innovation » de l'éducation nationale

Film en 2019 : https://youtube.com/watch?v=AN2aNqwfVuo

 

Recherche action nationale « FRENE » Etude en France avec chercheurs sur 60 classes

 

 

«Compétences clés du 21ème siècle : »

 

Communication

Collaboration

Créativité

Esprit critique

 

C'est tout ce que la nature développe.

(Sarah Wauquiez)

 

 

 

3/ Elise Sergent

 

Enseignante en CE2/CM1/CM2 dans un contexte rural.

 

Depuis septembre 2018 : tous les mardi après midi, sortie en forêt à 10 min à pieds

Dans la liste de fournitures elle ajoute bottes, pantalon étanche, cirés, capes de pluie...

 

LES RITUELS DE LA FORÊT :

 

1 Le lieu : Accueil il y a un seul lieu, c'est la classe de forêt (aménagé petit à petit). Centre de classe en forêt : boîte à trésors.

 

2 Petit à petit, le jeu libre est arrivé : nommé « temps libre ».

La posture de l'adulte est primordiale à ce moment là. Il faut observer et se saisir des questionnements des élèves et de leurs expériences.

 

3 Seat spot, ou « coin nature » : consigne « on oublie les autres, on est seuls »

15 minutes (1ère année : 5min, puis ça a augmenté)

 

4 Cercle de parole, avec un bâton de parole : chacun explique et présente aux autres ce qu'ils ont vu ou fait : on rebondi, on précise, on nomme (vocabulaire et expression orale)

 

Puis vient le moment de l'activité apportée par la maîtresse.

 

Thème oiseaux, petites bêtes, etc ou maths, géographie, sport, ou projet par période (faire du feu, voir la reproduction des plantes...)Travail sur l'orientation...

 

 

Livre « l'école à ciel ouvert » : c'est une mine d'idées d'activités.

 

 

Lien école dedans/école dehors

> Le jeudi : cahier d'écrivain

On raconte, on illustre.

 

Au début la consigne était de raconter mon après midi

Ensuite les consignes peuvent être sur la longueur du texte, la forme, le moment décrit...

 

Exposés : il faut leur apprendre à faire des exposés,

 

Zone en classe : le « musée » de classe : coin exposition avec objets eux même ou photos

 

 

POINT PRIMORDIAL : ne pas être seul

 

Elise a été accompagnée par le GRAINE.

Les parents peuvent être vraiment acteurs. (100% des élèves et des parents adhèrent)

La commune : est devenue un allié petit à petit.

 

 

QUESTIONS

 

Film évoqué : « l'autre connexion » .

 

 

Il faut arrêter de s'auto limiter, de penser qu'on n'a pas le droit, qu'on manque de liberté en tant qu'enseignant.

 

 

Question : cercle de partage, qui comment ? 

24 élèves : les élèves « décrochent ». Il faut « limiter la parole » de chacun.

Expérience : dire une seule phrase, par exemple.

On bien ne parler que des ressentis, des émotions, des sens, ou bien d'une grande découverte du jour.

Consigne ? Raconter ce qu'ils ont fait dans leur coin nature, ou bien « je me pose une question », je dis ce que j'ai senti, vécu etc...

 

 

Il faut s'écouter, pour aller à son allure, et ne pas faire un trop grand « saut » en terme d'attente, de « contrôle »... au début, Elise prévoyait des ateliers prévus, timing etc... petit à petit, elle a appris à lâcher prise.

 

Pour la météo :  Tisanes chaudes sur les cercles de paroles, sur-pantalon et bottes,

 

EPS dehors : parcours sportifs, inventés par les enfants, schématisés en classe, avec des règles créées par les enfants, des ateliers tournants gérés par les enfants.

 

Souci des programmes... ? on ne les termine jamais dans tous les cas.

 

Une discussion avec des professeurs de collèges permet de savoir ce qui est important pour un élève qui arrive au collège :le programme de géométrie est moins primordial que la confiance en soi, la capacité à prendre la parole devant les autres, se sentir serein émotionnellement.

 

Etendre à plusieurs demi journées par semaine ? Elise n'y est pas encore prête.

 

 

Accompagnement du GRAINE :

Trouver le lieu adapté avec les collègues, avoir les recherches et les arguments à présenter à l'inspection... Donner des outils.

 

 

D'une circo à l'autre les consignes ne sont pas les mêmes, car chaque niveau « interprête » les règles : si on remonte jusqu'au ministère, le cadre réèl est souvent beaucoup plus large que ce qu'on veut nous faire croire.

 

 

Dossier PARDI : on peut passer outre l'autorité de l'inspection

 

 

 

Exemple à la Duchère, ils sont sortis 1 matin/mois pendant 4 mois

L'étude a montré que cette expérience a déjà donné des effets positifs sur les enfants !

 

 

Y a t il des expériences au collège ?

Nouveauté 2022 pour le GRAINE : Les « ères terrestres éducatives » jusqu'au cycle 4.

 

 

GRAINE en Rhône Alpes ?

Non, pour être accompagnés on peut faire appel aux « voix de la forêt »

 

 

GEME et OCCE s'emparent de cela

CANOPE aussi

Projet MAGISTERE en cours

Les thématiques infusent dans l'EN

 

 

Sur les autorisations etc... certains n'en parlent pas avec l'inspecteur... mais il est bien de le dire, car en réalité, les inspecteurs ont besoin d'avancer aussi, de prendre conscience des réèls enjeux sur le terrain, et voir ce qui se passe vraiment.

Dommage que les supérieurs ne soient appelés que quand quelque chose ne va pas, alors qu'on peut leur demander de venir voir sur place pour « prouver » qu'on a raison.

 

 

 

En ville comment faire ? On va dans les parcs, et ça fonctionne quand même.

Pour les grands, c'est un frein d'avoir moins d'espace

On peut parfois tenter plusieurs lieux, essayer et voir là où ça « prend » selon le vécu et les envies des enfants.

Il faut qu'on ait soi même envie d'aller dans ce lieu.

Même si c'est plus loin qu'un autre, il faut qu'on ait envie d'y être.

 

Ça peut être un pré, on apporte quelques bûches de bois, un tas de sable, des branches etc...

 

Enseignante au collège souhaite se mettre en lien avec d'autres collègues pour des témoignages.

 

 

Pour se rassurer et rassurer les enfants, le signal sonore de rassemblement est très sécurisant. Ou que je sois, et quoi que je sois en train de faire, si j'entends ce signal je dois revenir au point de rassemblement.