Retour sur la journée d'automne 2018

L'art de cultiver la Paix

Par Nathalie Lafrie

 

 

Pour cette journée d’automne 2018, Graine d’Ecole souhaitait mettre en lumière l’art et la beauté comme chemin de transformation individuel et collectif.

 

Lors de la table ronde, trois femmes incroyables, Roswitha Lanquetin, Brigitte Seneca et Fabienne Bony nous ont fait l’honneur de partager leur expérience et ouvrir les voies pour cultiver l’art de la paix. Toutes trois ont été choisies pour leur générosité, leur simplicité leur intégrité, leur congruence, leur humanisme et leur engagement. Il semble que les 150 participants ont été conquis autant que nous !

 

Roswitha Lanquetin

 

 Après plusieurs années d’expatriation en Asie, Roswitha rentre en Europe. Sa rencontre avec les enfants rescapés de la guerre en Bosnie sur la côte dalmate la pousse à s’engager pour la paix. Elle rejoint l’association UNIPAZ, fondée par Pierre Weil. Cet alsacien élevé dans le terreau de la résistance a choisi le Brésil comme terrain d’expérimentation de ses recherches, notamment pour mettre en pratique la théorie fondamentale de la paix au sein de l’université qu’il a fondé.

On a demandé à Roswitha de nous décrire cette démarche en… 23 mn…

Cette théorie se décline en 8 grands champs d’action regroupés au sein de 3 types de relation :

  • Avec soi, en tant qu’individu (paix avec soi, écologie personnelle et cultiver une présence à soi et expérimenter l’interrelation corps, cœur, esprit)
  • Avec les autres, avec la société (paix avec les autres, écologie sociale, faire évoluer nos relations intimes, amicales, sociales et professionnelles)
  • Avec la nature et notre environnement (paix avec la nature, écologie de l’environnement, nourrir notre reliance à la Terre et l’Univers)

Elle nous propose un regard systémique, avec la vision de la matrice qui s’autogénère et n’a pas de frontière.

Dès lors, comment se construit la paix ? Où commence la violence ? Dans la société ? la nature ? l’humain ? Selon P. Weil, tout commence par l’humain et plus précisément dans le mental, avant de passer par l’émotion et l’instinct. L’acte constitutif de l’UNESCO nous rappelle :

« Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix. »

Roswitha nous invite à ne pas tomber dans l’amalgame provoquée par la « normose » ou norme pathogène (accord tacite avec une majorité). Nous sommes dans une phase de transition très importante, profitons de notre humanité pour montrer nos capabilités à vivre la paix.

 

La Roue de la transformation

Comment transformer ?

Où est la nature ? Lorsque l’on est dans une pièce, au beau milieu des côteaux du lyonnais, notre regard se tourne vers la fenêtre et notre main s’oriente vers l’extérieur. Le mental fragmente, alors que la nature, c’est aussi moi ! Le mental fait des distorsions de l’optique. Il semble essentiel de prendre conscience de deux réalités : le visible, l’invisible.

Imaginez, par exemple, que vous êtes face à un lac parsemé de plusieurs petites îles. Notre œil les voit séparées, mais en plongeant, on réalise qu’elles sont reliées. Ainsi, nous sommes des « un » différenciés.

Notre mental doit être au service de la conscience. Cheminons vers une nouvelle conscience et imaginons les portes de sortie, car même lors d’un conflit, nous sommes reliés à l’autre.

On vit dans une culture où, contrairement au Japon par exemple, la violence est normalité. Trouver son écologie personnelle est primordial. L’individu rayonne ce qu’il est dans la société.

 

 

La Roue de la paix

La roue de la paie envisage la conscience sous un angle purement holistique : ce que je fais à un impact.

 

Brigitte Seneca

 

Si l’on souhaite résumer la voie/x de Brigitte en une phrase, ce serait :

"La Beauté n'est pas le joli, elle est le vivant. Est Beau ce qui est vivant, ce qui jaillit de la vie, ce qui honore la vie. Au cœur de notre quotidien, tout est sujet à émerveillement et à gratitude. Faire l'expérience de la beauté nous agrandit, ouvre notre cœur à la joie, nous libère du mental et du négatif."

Elle a choisi de transformer sa violence (tout être humain a une part de violence en lui, n’est-ce pas ?) et sa puissance créatrice au service de la beauté. C’est donc à travers son regard et son cœur d’artiste que Brigitte nous invite au questionnement et à l’exploration intime de l’être. Car la beauté, c’est le vivant qui inclut cette dualité : force créatrice, force destructrice. Elle est aussi belle car elle nous emmène vers notre finitude, vers le sacré.

Regarder la beauté autour de nous éveille la beauté en nous. Si nous pouvons voir la beauté de la rose, c’est qu’elle est déjà en nous. Cela ouvre un espace où se tient l’énergie primordiale en nous, cette nature originelle. Brigitte nous propose d’expérimenter l’unité dans la contemplation. Cela nous sort du sommeil et de l’ingratitude, de la routine. Si nous sommes conscients du pétillement provenant de la quête du vivant, nous voyons tout comme un enfant. Plus nous voyons la liberté, plus nous sommes la beauté.

Nous avons besoin de vénérer, nous sommes toujours dans le profane, dans la barbarie. La beauté, c’est le vivant. Et nous avons besoin d’assise.

Nous sommes dans cette puissance extrêmement fragiles et vulnérables. Combien il est parfois difficile de l’accepter ou de parler de notre beauté intérieure ! Nous avons besoin de sécurité, une sécurité à trouver en nous. Il nous est difficile de parler de notre beauté intérieure. Sommes-nous d’accord pour dire que nous sommes de belles personnes ? « Ô combien la puissance divine transparait » en moi disent les soufis

Que puis-je faire pour trouver la paix en moi ? L’expérience artistique nous aide à unifier ces deux forces, cette dualité. Pour être libre d’explorer son potentiel, il faut lâcher certaines peaux. On dépose la vieille peau, on fait jaillir le nouveau. On est dans un état d’ouverture, d’acceptation, de transformation. On tente de dire de manière cohérente en respectant les lois du vivant. Rembrandt a eu une vieillesse peu réjouissante, mais il a réussi à unir la matière et la lumière d’une splendide manière. A travers ses œuvres, on comprend qu’il ne fait pas semblant de vivre, il le dit en gardant l’énergie primordiale.

Il est temps d’arrêter le combat, d’accueillir la découverte à l’extérieur et à l’intérieur ; Jacquard nous rappelle que « nous sommes des merveilles ». Tout ce que je n’ai pas encore développé est beauté. On peut développer certaines des 99 qualités divines mais nous nous limitons. La Création, c’est l’Infini. Quand on les incarne, on peut marcher en paix et être en mouvement. Quand on arrive à toucher ce noyau, il transparait en nous. Mais nous devons accepter d’être toujours dans notre imperfection et notre vulnérabilité, sans jouer comme dans une pièce de théâtre. Il n’y a pas d’enjeu de pouvoir. Nous pouvons quitter la peur de ne pas être quelqu’un et voir cette rivière qui coule en nous. La conscience de nous-même, le mental nous divise. Nous sommes la nature. Notre tâche est d’aller dans cette unité source de paix. C’est une chance inouïe. Trouvons cette beauté en nous et partageons-là, telle est la voie de la paix.

 

Fabienne Bony (IFMAN)

 

 Fabienne Bony de l’IFMAN nous a partagé son expérience dans l’accompagnement des publics avec les outils de la non-violence. Elle nous propose, en cas de conflit ou de désaccord, de lever le masque, de montrer cette vulnérabilité pour autoriser l’autre à montrer la sienne et pouvoir se relier sur un terrain commun, respectueux de la dignité de chacun. Entrer en relation, cela s’apprend. Analysons ce qui se passe en nous avant de juger l’autre. S’il/elle nous dérange, c’est certainement que son comportement ou ses mots viennent faire ressurgir des blessures passées. Lorsque je me mets en colère, je pollue l’autre. La solution consiste donc à se relier sous la mer, et ne pas voir uniquement la surface émergée de l’iceberg, afin de se mettre dans la même vibration.

Fabienne nous invite à agir pour plutôt que lutter contre (voir l’initiative de Yazid Khalef, qui a initié la médiation nomade) et à réhabiliter le conflit en utilisant les outils appropriés.

 


Retour sur l'atelier : "L'ART DE VIVRE EN PAIX" par Roswitha Lanquetin

 

L’atelier d’initiation à cette pratique nous permet de développer notre estime personnelle et notre empathie, en nous plaçant parfois dans la situation de la minorité. Comment est-ce que je vis cette situation ? Nous posons un autre regard sur nous-même et sur l’autre. L’atelier révèle nous besoins, nos blessures, questionne nos positions à l’égard d’autres femmes en situation différente, ainsi que la norme, nos préjugés et nos automatismes mentaux. Parfois on se retrouve, parfois on est éloignées. Mais une question a fait l’unanimité : « Est-ce que j’ai besoin d’être aimée ? ». Cet atelier facilite notre connaissance personnelle, nous aide à révéler qui nous sommes, ici, maintenant.

J’ai personnellement vécu une expérience surprenante, qui m’a menée sur le chemin de mes racines et de celles de la terre. Une série d’objet de la nature était placés au centre, nous devions en choisir un ; pour moi ce fut le magnifique chou romanesco, imposant tel une matrice ; une merveille de fractale de la nature.

Nous avions 2mn, en binôme, pour partager 3 éléments, en imaginant une histoire inspirée de notre choix : je viens de / je suis / je vais. Etrangement, ce qui a émergé fut l’histoire de mes racines, de ma terre-mère, tel le besoin de me relier à travers les générations précédente et grâce à la nature. Je viens d’une île, je suis dans un lumineux jardin, je vais ici et ailleurs ; je laisse entrer l’essentiel, je lâche prise. Pour moi cette matrice représente : l’amour, la joie, la compassion, la gratitude. Planter, semer, encore et toujours.

Nathalie Lafrie